Le CADASTRE à LA REUNION
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L’établissement d’un système de repérage des propriétés foncières et du parcellaire est un phénomène ancien en Europe, attesté dès l’Antiquité. Cependant, le Cadastre en tant qu’administration fiscale ayant la charge d’établir et de conserver les documents à caractère foncier est, plus récemment, une création de la Révolution française; à La Réunion, cette création est encore plus tardive, car l’administration proprement dite ne date que de ... 1978!
1/Etablissement du Cadastre en FRANCE MÉTROPOLITAINE
En 1790 l’Assemblée constituante demanda l’établissement d’un cadastre. Les Décrets du 21 août 1791, du 16 septembre 1791, et du 3 Frimaire AN VII (23 novembre 1798) fixèrent les modalités de sa réalisation qui commença dès 1791. Cependant la " loi du 15 Septembre 1807" relative au Budget de l’Etat est considérée comme l’origine du Cadastre. Par Ordonnance du 03 octobre 1821, la monarchie confirma la poursuite de cette réalisation selon les modalités fixées en 1807. Les travaux réalisés entre cette date et 1850 sont connus comme "cadastre napoléonien". Les premières documentations (1791-1807) dont la précision se révéla insuffisante furent reprises.
Le rythme des modifications de la propriété foncière au XIX° siècle mit en évidence la nécessité d’une mise à jour permanente de cette documentation. Aprés diverses et vaines tentatives, il fallut attendre la Loi du 16 Avril 1930 qui posa le principe d’une "rénovation" générale de l’ancien cadastre et sa "conservation".
2/La situation à La Réunion jusqu’à la départementalisation:
Les colonies soumises à un régime foncier différent de celui de la métropole, ne furent point cadastrées. A la Réunion, le Conseil Supérieur, eut à s’occuper, en 1724, de la régularisation des concessions. Des plans de propriétés furent dressés, mais, sans aucune liaison entre eux, ils ne concernaient que les parties occupées de l’île. En 1742, le Chevalier BANK, Ingénieur Colonial, établit le plan des villes de St DENIS et de St PIERRE. Ces documents dressés à diverses échelles (fréquemment le 1 / 10.000e), dépourvus de toute valeur topographique, ne peuvent être considérés comme un premier cadastre.
Dans un Mémoire de 1804, CHANVALLON, ordonnateur aux Isles depuis 1785, relate les difficultés qui affectaient le mesurage des terrains et précisait "le gouvernement seul pourrait s’en occuper efficacement, et comme il est de principe que les terres soient bornées, c’est à lui à prendre les mesures pour que ce principe reçoive entièrement son application à l’île de La Réunion"
3/ A la départementalisation, les insuffisances apparaissent:
Néammoins, aucune suite n’a été donnée aux demandes d’établissement d’un Cadastre formulées en 1936, puis en 1938 par l’Administration coloniale de La Réunion. Lors de la départementalisation (1946) une imposition foncière non bâtie fût limitée à une taxe à l’hectare, calculée d’après un tarif comportant 6 catégories de natures de culture. Les bases d’imposition (les domaines de moins de 5 Ha étant exemptés) retenues d’après les déclarations des propriétaires se révélèrent peu précises. Le Décret du 30 Mars 1948 aggrava la charge de la propriété non bâtie: impôt d’Etat, contributions départementales et communales, auxquelles s’ajoutèrent par la suite les cotisations de Sécurité Sociale. Les insuffisances et les inégalités résultant d’une réglementation aussi sommaire apparurent bien vite insupportables.
Les différents Chefs de Service (Contributions Directes, Enregistrement, Travaux Publics.......) installés après la Départementalisation exprimèrent les difficultés rencontrées par suite de l’absence de cadastre. La réforme de la publicité foncière prévue par la Loi du 04 Janvier 1958, ne put être appliquée dans les D.O.M. puisque aucun élément ne permettait d’identifier les parcelles devant être inscrites au fichier immobilier. Les études étaient réalisées sans contrôle, avec des plans rattachés à des systèmes différents, et inutilisables pour des objets autres que celui pour lequel ils avaient été dressés. Il était évident que l’électrification, la construction des chemins, l’aménagement de périmètres d’irrigation, les travaux d’urbanisme, ......... ne pouvaient être économiquement entrepris que sur la base de plans topographiques à grande échelle, couvrant la totalité du territoire, et accompagnés d’un registre parcellaire fiable.
4/ Une administration s’installe ( 1959-199...)
Devant de telles difficultés, l’Inspecteur Général des Finances CULMANN chargé de ce problème, rédigea un rapport qui analysait les difficultés résumées ci-dessus et exposait les moyens à mettre en oeuvre pour, notamment réaliser un Cadastre dans chacun des D.O.M. Sous l’impulsion de M. PEBEREAU Chef du Service du Cadastre, M. LACOMBE Directeur de la Brigade Technique Nationale fut chargé de la mise en oeuvre des travaux, qui débutèrent en 1959. Pour une réalisation plus rapide et plus économique, il fût décidé que le plan serait établi par photogrammétrie. Une couverture aérienne avait été réalisée en 1950 par l’I.G.N. afin de réaliser la cartographie de l’Ile, mais, en raison de l’ancienneté de ces prises de vue, une nouvelle couverture aérienne - mieux adaptée aux spécifités du cadastre - fût réalisée en 1961*.
* Une nouvelle couverture aérienne vient d’être effectuée, ces dernières années; elle a été suivie d’une mission sur le terrain d’équipes I.G.N., d’avril à juillet 1999, destinée à actualiser la cartographie générale de l’île et pour répondre à la demande de plusieurs intervenants locaux.
Les travaux tout d’abord réalisés par 5 géomètres du Cadastre se heurtèrent à de nombreuses difficultés: régions entièrement boisées, relief très accidenté marqué par des ravines souvent très profondes, difficultés de transport, morcellement dont l’importance avait été sous-estimée. En outre les propriétaires furent fort réticents pour indiquer la position de leurs limites**: il ne leur apparut que le côté fiscal du Cadastre.
Un retard important fût vite constaté, bien qu’on eût envisagé la confection d’une documentation sommaire permettant une identification parcellaire, laquelle , ultérieurement, aurait permis l’établissement d’un Cadastre moderne. Aussi dès 1962 l’Administration décida de confier à l’entreprise privée l’établissement du Cadastre de certaines communes. C’est ainsi que, au Cabinet AUDRY et, dans une moindre mesure, au Cabinet Marcel HERMANN, furent confiés l’établissement du Cadastre dans certaines communes.
Mais aucune mesure n’avait été prise pour assurer la mise à jour et la conservation de la documentation, alors que depuis 1965 environ, l’île connaissait une importante accélération de son développement. Les paillotes firent place à de nombreuses constructions en dur, des routes furent aménagées, la S.A.F.E.R. favorisa le démembrement de la grande propriété, aujourd’hui presque totalement disparue. En effet, le partage familial est la régle de liquidation des successions: il n’est pas rare de voir une parcelle de 2.000 m² divisée entre 10 héritiers, et quelques fois davantage. On est conduit ainsi vers une micro-propriété qui aggrave tous les problèmes d’urbanisme. Ainsi il ne pouvait en résulter qu’un important développement des opérations immobilières dans une économie devenue moderne.
5/ La publicité foncière et la création juridique du service du Cadastre:
Malgré ces difficultés l’Administration décida - vers 1978 - l’introduction dans les D.O.M. de la Publicité Foncière suivant les règles prévues par le Décret du 4 Janvier 1955. Ainsi devait être créé un fichier immobilier assurant à la fois une identification certaine des personnes, et une identification des immeubles. Les éléments essentiels de cette dernière sont la commune, la section et le n° de plan. Rappelons que la Publicité Foncière contraint les propriétaires à produire un Document d’Arpentage en cas de modification de leurs limites, et ce document doit être dressé par un géomètre-expert inscrit à l’Ordre et figurant sur une liste d’agrément arrêté par l’Administration. Or, cette disposition ne pouvait être appliquée dans les D.O.M. car l’Ordre des géomètres-experts, institué par la Loi du 7 Mai 1946, n’avait compétence que sur le territoire métropolitain.
** Rappelons que les limites des parcelles sont matérialisées de façon originale à La Réunion: "bois de chandelle", plants de vétyver, rangs de roches, Pignons d’Inde ( du côté de La Ravine des Cabris) et quelques bornes.
En 1978, à la Réunion, seuls deux ou trois géomètres possédaient les titres permettant leur inscription à l’Ordre, qui, il faut en convenir, ne manifesta guère d’empressement pour étendre son autorité à ces territoires. L’Administration décida donc, dans chacun des D.O.M., d’inscrire sur la liste d’agrément tout praticien ayant quelques notions d’arpentage des terrains. De la sorte se trouvèrent réunis quelques géomètres aux compétences incontestables, des maîtres d’oeuvre du bâtiment, des anciens élèves de centres d’apprentissage ayant obtenu un diplôme d’opérateur topographique......... Les limites de compétence de certains de ces agréés n’ont pas manqué de provoquer de nombreux litiges qui ne trouvèrent leur solution que devant la Justice.
En 1998 l’Ordre des géomètres-experts, décida d’étendre son autorité aux D.O.M. et en mai 1999 eurent lieu les premières prestations de serment devant le Tribunal Administratif. A titre transitoire l’appartenance ordinale a été accordée à la majorité des inscrits sur la liste locale des personnes agréées pour l’établissement des Documents d’Arpentage. Il faut remarquer que l’introduction de l’informatique a permis l’utilisation de nombreux logiciels facilitant la résolution des calculs topographiques.
Le Service du Cadastre existe donc, officiellement et juridiquement depuis 1978, dans la mesure où l’administration "oublia" de formaliser le travail de ses géomètres sur le terrain! Ceux-ci ont, depuis 1979, poursuivi leurs efforts pour améliorer la valeur de la représentation des plans ( généralement au 1/2000°; 1/1000° pour les agglomérations et 1/5000° pour les zones boisées et peu occupées ). L’activité des géomètres de l’Administration, étant principalement consacrée aux travaux de mise à jour de la propriété bâtie (plans, et impositions), les services fonciers ont fait appel à l’entreprise privée pour remanier des sections de territoire. Ils ont privilégié les zones où la valeur du plan apparaissait médiocre, de celles ou une urbanisation rapide avait fortement modifié le parcellaire. Ces travaux de remaniement, généralement conduits en associant la photogrammétrie et les procédés terrestres, devront être poursuivis pendant de nombreuses années.