Une réflexion de L. Maillard, Ingénieur colonial ( en retraite) en janvier 1862, 12 ans après l'abolition de l'esclavage:

L. Maillard publie en 1862 un livre intitulé "Notes sur l'île de la Réunion", où il collationne des textes divers ( notes, réflexions personnelles, tableaux statistiques, tables chronologiques, planches...). Le livre est dédié à Madame George Sand, qui avait sollicité l'auteur, auparavant, pour lui fournir des informations susceptibles d'être utilisées dans un ouvrage que l'écrivain publia en 1832,"Indiana".Dans son introduction, L. Maillard livre les conditions dans lesquelles il choisit de rédiger son ouvrage; c'est là qu'il note:

(...)" L'auteur parlera peu de l'esclavage, institution éteinte; il doit cependant faire connaître qu'à quelques exceptions près, les noirs avaient à Bourbon l'existence la plus heureuse possible dans cette position antisociale que la révolution de 1848 a eu le mérite de faire disparaitre du sol français. Certes, presque tous les créoles ont résisté tant qu'ils ont pu à l'abolition de l'esclavage, qui devait apporter de si grandes perturbations dans leur existence; mais à peu près tous reconnaissent actuellement que leur pays n'a eu qu'à gagner à cette mesure, et que les fortunes qui y sont maintenant assises sur les terres et sur les capitaux, ont une stabilité qu'elles n'avaient pas avant l'émancipation des esclaves; et nuls ne peuvent contester que la richesse du pays ne soit considérablement augmentée depuis l'introduction du travail libre." (...)

Un peu plus loin, dans le chapitre "Immigration et esclavage", (p.182-183), il note:

"Le mélange des races et des castes, dans les esclaves de Bourbon, contribua beaucoup à la tranquillité du pays. Les Cafres et les Malgaches étant généralement peu d'accord avec les Indiens et les Malais, et tous ceux-ci étant considérés comme de caste inférieure par les esclaves créoles, il existait, entre eux tous, un antagonisme continuel qui ne permettait guère aux uns de tramer quelque funeste projet, sans qu'ils fussent dénoncés par les autres. On eut toutefois à réprimer plusieurs tentatives de révolte, entre autres celle de Saint Paul en 1730; celle de Saint-Leu, en 1811, et celle de Saint-André, en 1836.

Si l'on considère que ne rien faire a toujours été la passion dominante des peuples de la zone torride, on ne s'étonnera pas de l'apathie que montraient la plupart des noirs pour le travail de la terre ou pour tout autre, surtout quand il n'avait pas pour résultat de leur faire partager les avantages et les jouissances que pouvaient donner les quelques travailleurs libres qu'ils voyaient occupés sur es ateliers contigus aux leurs.

Nous avons eu souvent à diriger des ateliers très-considérables, et sommes resté convaincu que le seul moyen de tirer un parti sérieux des travailleurs était de leur imposer une tâche convenable, laquelle, tout en exigeant d'eux un travail quelquefois au-dessus du résultat moyen, leur permettait encore de le terminer avant l'heure où l'homme à la journée quittait la besogne. Si, en-dehors de la perspective d'un repos augmenté d'une heure ou deux par l'achèvement prompt de la tâche, on ajoutait une faible récompense, on arrivait alors à des résultats bien plus avantageux encore.

Il fallait avec l'esclave, et il faut encore avec l'engagé, être juste et sévère, l'indulgence pour eux n'étant que de la faiblesse. Une punition méritée n'a jamais aliéné l'affection de l'esclave pour son maître, tandis que l'injustice faisait perdre au blanc tout le prestige ue sa condition et son intelligence lui donnent toujours sur les noirs des castes inférieures.

Quand je parle de l'infériorité des castes, c'est, bien entendu, eu égard à la position actuelle de ces populations; car, quoi qu'on en ait dit, il nous est bien démontré que tout noir, pris jeune et élevé dans les mêmes conditions que nos enfants, offre en moyenne une intelligence égale à celle des jeunes blancs élevés avec lui." (...)

(...) Lors de l'émancipation, en 1848, malgré l'absence d'introductions, et une mortalité dépassant de beaucoup les naissances, le nombre présenté au règlement de l'indemnité, par 6868 demandeurs, fut encore de 60 829 esclaves, hommes, femmes et enfants, dont la valeur totale, en prenant la moyenne des ventes de 1825 à 1845, était de 93 714 373 fr. L'indemnité allouée fut fixée au chiffre de 41 104 005 fr." (...)

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