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Tableau de Garreau, 1849. Sarda Garriga annonce aux esclaves de La Réunion leur libération.

Sarda Garriga et la libération des esclaves à la Réunion

«  La fin de l'esclavage était depuis longtemps dans l'air. Sous la grande révolution, il avait été théoriquement aboli dans les colonies françaises par le fameux décret du 16 Pluviôse An II1 proposé par l'Abbé Grégoire… Ce décret n'avait été appliqué que dans certaines colonies d'Amérique, celles qui n'étaient pas occupées par les Anglais, et cela n'avait pas été sans violences. Le rétablissement ultérieur de l'esclavage2 avait été plus dramatique encore… Aux Mascareignes, ce fameux décret du 16 Pluviôse n'avait même pas reçu un début d'application: en effet les deux commissaires du Directoire chargés - tardivement- de l'effectuer, avaient été chassés de Port-Louis…
     Le premier succès de la campagne contre l'esclavage fut l'abolition de la Traite des Noirs; des conventions internationales* réglèrent cette question. Pourtant on peut dire que jusque vers 1830 la traite continue clandestinement pour Bourbon…
     En 1848, à Bourbon… l'esclavage existait toujours...mais, d'autre part, la traite était supprimée, les esclaves diminuaient en nombre.
     Par la révolution de février 1848, d'emblée acquise à la suppression de l'esclavage, le gouvernement provisoire… sous l'influence de Schoelcher… décide d'aller vite et, le 27 avril 1848, sortait le fameux décret commençant par : « l'esclavage sera entièrement aboli dans toutes les colonies et possessions françaises deux mois après la promulgation du présent décret dans chacune d'elles… »
     Sarda Garriga fut chargé de l'application de cette grande réforme à La Réunion, où il fut envoyé en qualité de commissaire général de la République, en remplacement du Gouverneur Graëb. Lorsqu'il parvint dans l'île le 14 octobre 1848 il la trouve entièrement calme: on n'y avait connu, à l'annonce des décrets parisiens, ni de réactions violentes des propriétaires*, ni d'émeutes d'esclaves désireux de hâter les choses...cependant...il s'était dégagé une majorité ( au sein de l'Assemblée générale de délégués des maîtres d'esclaves, réunie à St Denis) pour affirmer ses sentiments de soumission de principe aux décisions métropolitaines, mais aussi pour obtenir (du commissaire) un ajournement de l'application des décrets jusqu'à la fin de la campagne sucrière...D'autre part les esclaves ...étaient fort inquiets et craignaient que la libération annoncée ne se produisît jamais. Qu'allait faire Sarda?… S'il transigeait...il se mettait à la merci d'une classe. Si, d'autre part, il promulguait immédiatement le décret d'abolition...c'était le saut dans l'inconnu…
     Le commissaire général montra immédiatement de la fermeté vis-à-vis des propriétaires. Il reçut les représentations de leur assemblée...mais refusa tout ajournement...l'assemblée se sépara alors avec discipline… Dès le 19 octobre le décret est promulgué: les esclaves seront donc libres le 20 décembre, mais Sarda doit s'occuper du maintien de l'activité économique. Aussi, avant même la promulgation a-t-il lancé sa fameuse proclamation dans laquelle l'accent est mis sur le devoir du travail. Puis il va s'attaquer à sa réglementation… les esclaves seraient tenus de contracter un engagement avec un patron et de prendre un livret**… les esclaves ne tardèrent pas de s'inquiéter à propos de ces livrets ( certains parlaient de travail forcé). Le commissaire vit immédiatement le nouveau danger et entreprit son mémorable tour de l'île* au cours duquel, avec une inlassable patience, il leur expliqua la nécessité des engagements…
     Quand vint le grand jour du 20 décembre...les nouveaux citoyens manifestèrent une maturité étonnante; il n'y eut pas le moindre désordre, pas même d'ivresse. La joie manifeste, mais mesurée, se traduisit par quelques danses et par des cortèges ordonnés… Le lendemain tout le monde était au travail. Les ateliers de discipline n'eurent à recueillir qu'une centaine de chômeurs volontaires alors que l'on venait de libérer d'un seul coup 60 000 personnes. »


D'après Yves Pérotin.
Chroniques de Bourbon .( extrait) 1957.


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