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Les échanges en océan Indien à la période antique

Article de Philippe Pariat, professeur agrégé d'histoire en Classe Préparatoire et à l'Université, paru en mai 2004. L'article est accompagné de 3 cartes, qui ne figurent pas encore sur cette page.

Les limites de l'océan Indien ont donné lieu à de multiples discussions. Elles ne posent pas de problème au nord, où la proposition d'exclure la mer Rouge et le golfe Persique n'a jamais été retenue, ni à l'ouest, où le méridien du Cap des Aiguilles (20° Est) constitue la ligne de démarcation avec l'Atlantique Sud. Par contre, elles ne sont pas fixées avec précision du côté oriental: faut-il y inclure les mers de Timor et d'Arafoura, qui séparent l'Australie de l'Insulinde jusqu'au détroit de Torrès (1)? C'est l'opinion la plus répandue. Au sud, faut-il en exclure la portion de l'océan Antarctique qui le longe? On peut accepter la thèse d'Auguste Toussaint pour qui "l'océan historique doit s'arrêter à une ligne imaginaire tirée le long du 35° sud, excluant la mer Australe que les géographes considèrent, d'ailleurs, toujours comme une mer distincte".(2)

Le bassin de l'océan Indien convient parfaitement aux communications maritimes. Malgré les isthmes et les détroits qui l'entourent, il n'y a pas d'obstacles insurmontables (3). Le régime climatique d'alternance des moussons et l'absence relative des tempêtes sur la majeure partie de l'océan favorisent des traversées régulières et sûres par des navires à voile, l'amenant à constituer le plus grand continuum culturel du monde. Malgré la massivité des terres, les difficultés d'accès en certains lieux du littoral, l'étroitesse de la frange côtière, le relief élevé ou désertique, des contacts entre le continent africain et les pays du sud et du sud-est de l'Asie ont eu lieu. Dans la partie occidentale du bassin, les côtes avaient entre elles et avec les îles, une plus grande communauté de culture qu'avec les masses continentales dont elles forment le littoral.

Ainsi l'étude des échanges sera abordée d'un point de vue dérégionalisé et chronologique et centré sur les voies de communication entre les partenaires afin d'en élargir la vision.

L'expansion maritime plonge ses racines dans les temps anciens mettant en relation les grandes voies de relation les grandes voies de relation l'Orient et l'Occident rendus économiquement dépendants. A partir du nord de l'océan Indien où historiquement, se situaient les premières zones géographiques politiquement organisées, s'est développé le berceau des échanges. La navigation a permis de développer le contact entre l'Egypte, l'Inde et la corne de l'Afrique où aboutissaient des routes terrestres parfois lointaines venant d'Arabie ou de Chine.

Le berceau des échanges

L'océan Indien regroupe un océan regroupant des zones qui n'ont pas de division naturelle. Pour les Anciens, la mer Rouge et l'océan Indien étaient une seule mer: la mer Erythrée. Ils connaissaient bien la partie nord de l'océan Indien, avec ses trois grands golfes, le Sinus Arabicus, le Sinus Persicus, et le Sinus Gangeticus appelé par les Romains Mare Rubrum (4). Plus au sud se trouve la Mare Prasodum (mer verte) également nommée Mare Obscurum car elle est à peu près totalement inconnue.

Le rôle historique de l'océan Indien a, de tout temps, été plus proche de celui de la Méditerranée que du Pacifique ou de l'Atlantique qui ont d'abord été des obstacles. Les océans Pacifique et Atlantique sont ouverts du nord au sud. Cela représente une aventure de plusieurs milliers de kilomètres avant de toucher terre. L'océan Indien, plus petit que les deux autres, est ourlé de l'ouest à l'est en passant par le nord par des côtes et des ensembles îliens en certains lieux. La navigation est facilitée par le rythme des moussons dans la partie la plus septentrionale et àproximité des terres. L'océan Indien n'a pas seulement permis que les routes terrestres de l'ambre et de la soie, mais également que l'Oreint et l'Occident entrent en contact.

Au nord, très tôt, les relations entre l'Ethiopie et l'Inde se sont développées dans le sens des latitudes. Certaines habitudes d'origine éthiopienne se retrouvent: usage de poivre et de cannelle, introduction de la canne à sucre, art de tisser le coton, influences artistiques et architecturales comme en témoigne l'architecture d'Axoum.

Un deuxième axe de type méridien s'est greffé à partir de la zone arabo-iranienne, de la corne de l'Afrique et de Socotra (île aux environs d'Aden) point de passage coutumier. Si le rivage africain et de Madagascar ont pu être touchés par la navigation indonésienne, c'est à partir du nord, en mer Rouge et vers la corne de l'Afrique, qu'il s'est éveillé à la vie maritime.

En dépit des difficultés dues au manque de profondeur, à la pauvreté de l'abri précédé de massifs coralliens et parfois de rivages marécageux, la navigation vers et sur la mer Rouge et le golfe Persique se développa très tôt. Les voies maritimes sont équipées en hommes, en flottes, en relais, en traditions cernées de peuples de la mer. Il n'est pas sans signification qu'on ait pu tenir l'île de Bahrein pour le berceau des Phéniciens.

Dès l'Antiquité, les échelles levantines sont les points de raccord de circumnavigations qui entourent les parties vivantes des continents. Ces routes maritimes complètent et suppléent les routes terrestres qui conservent leur importance: celles menant vers l'Afrique par le Nil, vers l'Europe orientale par la mer Caspienne et les grands fleuves russes. D'autres encore sont parcourues par les caravanes transsahariennes dont celles qui apportaient l'or du Soudan et celles de l'Asie qui suivaient jusqu'en Chine les lisières septentrionales des grandes chaînes montagneuses.

Pour les marchandises venues d'Inde, la voie maritime par la mer Rouge s'impose. Elle est parallèle à celle de la terre à partir de Djedda passant par la Mecque, Médine, Pétra. Puis elle se divise, vers l'Ouest par le Sinaï et vers le nord par Damas et plus loin.

Au nord, une route caravanière parallèle à la voie par mer passe par la vallée du Tigre et le nord de la Syrie actuelle, reliant le golfe Persique à Alep, Antioche et les Echelles du Levant et recevant les produits venus d'Asie centrale mais aussi du golfe Persique qui la prolonge vers le sud-est. Elle s'appuie sur les lisières du croissant fertile.

Il s'est établi des économies monde. Les routes terrestres et les routes maritimes ont une proximité complémentaire permettant le développement des échanges et des contacts dans de petits pôles qui vont entrer en relation et devenir un berceau de commerce.

Les échanges entre l'Inde et l'Arabie

Les peuples de la péninsule arabique Arabes ont été les pionniers de la navigation dans l'océan Indien et l'élément dominant pour la partie occidentale du bassin(5).

D'après les sources sumériennes, dès -2000, le bois d'oeuvre était importé d'Inde à Megan (sans doute Oman). Une référence à des charpentiers de Megan indique que les navires y étaient construits à l'époque sumérienne. Donc les propriétaires et armateurs étaient sans doute les marchands arabes d'Oman. Mais des tentatives ont été réalisées par d'autres peuples.

A partir de l'Egypte, de grandes entreprises aventureuses ont eu lieu: vers Pount sous les pharaons des VIème et Vème dynasties, de la reine Hatshepsout, en -1495, de Ramsès III au XIIIème siècle avant notre ère, puis des expéditions vers Ophir, faites pour le compte de Hiram Ier de Tyr (vers -969/-935) qui fournit à Salomon (-961/-922) les matériaux et les ouvriers nécessaires à la construction du temple de Jérusalem. Elle fut ouverte au commerce maritime grâce aux efforts de Néchao (-609/-594) qui commença à creuser le canal de la mer Rouge et fit construire par les Corinthiens, des trières destinées à de nouvelles expéditions. C'est sans doute à cette occasion que les Grecs ont pu prendre contact avec l'Arabie du Sud(6). Au VIème siècle, Néchao insuffle une certaine renaissance à l'Egypte. Il rétablit les communications maritimes ou fluviales entre Méditerranée et mer Rouge et fait appel aux Phéniciens pour explorer les côtes orientales de l'Afrique. Entraînés vers le sud, les Phéniciens suivirent les côtes puis contournèrent l'Afrique, 2000 ans avant Vasco de Gama. Ils revinrent par la voie de la Méditerranée. Mais Néchao ne put continuer cette découverte(7).

Alexandre envoya le navigateur et philosophe grec Scylax tenter le voyage par mer de l'Inde à l'Egypte. L'empereur fit achever le canal de néchao et envoya de l'Inde une expédition(8) qui revint sans avoir dépassé le détroit de Bab-el-Mandeb(9). Mais au IVème siècle, ce sont les Lagides qui donnèrent un grand essor au commerce en mer Rouge. Ils ont rouvert le canal ensablé, réparé la route Coptos-Bérénice, fondé des colonies sur la côte africaine et les rives indiennes jusqu'à Socotora.

Quelques preuves montrent que les Grecs pouvaient arriver jusqu'en Inde et un Indien en Egypte. Une dédicace d'un Indien au dieu Pan a été retrouvée au temple de Redesîya sur la route de la mer Rouge au Nil par le désert. Des fragments de papyrus montrent des marins grecs naufragés sur une côte barbare et reçus par le roi du pays, dont la langue est apparentée au Caranèse(10). Une pierre tombale bouddhiste d'origine ptolémaïque découverte à Alexandrie, témoigne du sauvetage d'un capitaine indien seul rescapé d'un voyage par mer venant de l'Inde. Conduit à Alexandrie, il servit de guide à Eudoxe de Cyzique(11).

Toutefois, le commerce restait tributaire des arabes et des Indiens. Selon Agatharchide (entre 246 et 130 avant J.C.), les Arabes n'avaient que des activités maritimes limitées(12). Cela sous-entend un commerce non pas avec l'Egypte trop lointaine mais un trafic organisé par les Gerrhéens dans le golfe Persique et autour de l'Arabie du Sud, en direction de la Méditerranée via la Syrie et la Phénicie.

Avant le début de l'ère chrétienne, l'Inde a eu des rapports étroits avec le monde extérieur. Les monuments de l'Indus témoigent de l'influence de la Mésopotamie ancienne résultant d'un commerce entre les bouches du Tigre et de l'Euphrate et la côte occidentale de l'Inde, complétée par la voie terrestre.

A l'image des Arabes, les Indiens sont définis comme navigateurs. IL n'est pas exclu que les Indiens et les Singhalais aient participé aux grandes navigations d'Inde en Occident. Les textes bouddhiques font de très fréquentes allusions au grand commerce maritime indien. Pline (13)a recueilli des renseignements sur les marins indiens. Il indique que les Singhalais naviguaient sur des bateaux à deux proues d'un tonnage de 3000 amphores(14), sans observer les astres (le pôle septentrional n'étant d'ailleurs pas visible) et en emportant des oiseaux qu'ils lâchaient pour en suivre le vol vers la terre. Il ajoute qu'ils se mettaient en mer seulement pendant quatre mois de l'année, s'en abstenant pendant cent jours après le solstice d'été...

Les données de Pline sont valables pour la période qui a précédé le règne de l'empereur romain Claude (41-54). Pline les classe parmi celles qu'on possédait avant l'ambassade singhalaise venue à Rome à la suite de l'aventure de l'affranchi d'Annius Plocamus(15).

Les Tamouls de la côte de Coromandel ont fréquemment débarqué à Ceylan des armées capables de conquérir une grande partie de l'île, ce qui suppose l'armement d'une flotte déjà considérable, comme ils en ont possédé plus tard sur les routes maritimes de l'Indochine et de l'Indonésie(16).

Selon Strabon(17), les Arabes recevaient d'Inde la plus grande partie de la casia qui avec la cannelle, étaient transportées par les Arabes Gebbanites(18) et provenait d'une Ethiopie définie comme Ceylan et l'Inde orientale. Cette route commerciale sous-entendait l'utilisation du vent de mousson N.E. qui facilitait le trajet Inde-Arabie, utilisé également par les Alexandrins. Cependant, le vent de mousson S.O. qui facilitait la navigation ne devait pas être utilisé par les Arabes à cause de la force de la mer et de la faiblesse des bateaux. Une nouvelle route maritime allat être découverte et faciliter les échanges.

Selon la légende, en -119/-118 ou en -11, Eudoxe de Cyzique(19), imitant sans doute les Arabes et les Indiens, fit le voyage d'Alexandrie vers l'Inde avec un pilote indien qui s'était échoué sur la côte égyptienne(20), ce qui lui permit de rapporter des épices et des pierres précieuses. Mais ce voyage était difficile pour les Alexandrins car en partant du fond de la mer Rouge, ils rencontraient en hiver des vents défavorables d'Est et de Sud Est alors qu'en été, ils bénéficiaient du vent N.O. De ce fait se pose le problème de la suite du voyage vers l'Inde dont l'axe fut soit-disant découvert par le marin Hippodalos(21).

En effet, il n'y eut sans doute pas de navigateur Hippodalos, mais une progressive amélioration d'un trajet de haute mer descendant de plus en plus vers le sud, allant en trois phases du golfe d'Aden à la côte dl'Inde; la dernière amélioration de cet axe datant de Pline (voir carte).

Ses affirmations peuvent dificlement être mises en doute, même s'il sait qu'un marchand avide de gain a réalisé la dernière amélioration du trajet, recevant ainsi le nom d'Hippodalos. L'autre interprétation du Périple(22) soit-disant écrit par un marchand entre 75 et 90 supposant l'effet du hasard des vents de la mousson Sud-Ouest, reste controversée car sa rédaction lui est largement postérieure. L'auteur résume une longue évolution novatrice des routes maritimes pénétrant de plus en plus vers le sud de l'océan afin de réduire les distances du golfe d'Aden à la côte de l'Inde et éviter des ports intermédiaires.

Cette découverte permit aux Alexandrins de ne plus être tributaires des ports arabes grâce à la navigation directe qui développa les échanges entre l'Inde et l'Occident sans intermédiaires, développant le commerce mais aussi les contacts culturels entre l'Inde, l'Egypte, l'Arabie et l'Ethiopie. C'est alors que la route de la soie a dû changer de chemin. De Thinae (Chine), filée, tissée ou brute, elle passait par Bactres(23) ou dans la région de Muziris et Nelkynda par le Gange puis par mer jusqu'à Barygaza (Broach). La route se déplace ainsi au sud de l'Inde notamment pour des raisons politiques(24). Sur l'Indus des princes parthes sont ne guerre continuelle.

L'ouverture de ces nouvelles routtes pourrainet également être le résultat du déclin puis du marasme économique des derniers Ptolémées. L'instauration de l'administration romaine sur l'Egypte prend des mesures pour rouvrir les routes commerciales favorisant ainsi une rapide expansion. Les navigateurs ont alors découvert une voie plus courte et plus sûre entre Cana et Zigérus délaissant Patala dont les marchands se seraient établis plus au sud afin de participer au commerce dans cette région au sud de Bombay.

Quelle qu'en soit la raison, à moins que les deux ne se superposent, au IIème et IIIème siècle, la région de l'Indus était passée au second plan et les Alexandrins concentrent leur trafic sur les ports du Sud.

Au temps de Pline, la navigation grecque n'atteient pas Ceylan. Les objets romains découverts sur l'a côte Est proviennent sans doute de voies terrestres qui coupent la péninsule indienne d'Est en Ouest. Il n'y a pas encore de navigation contournant l'Inde du Sud(25). C'est l'aventure de l'affranchi Annius Plocamus(26) qui conduit à une ambassade de Ceylan à Rome.

La période des empereurs julio-flaviens a été un âge d'or pour le commerce gréco-romain avec l'Arabie et l'Inde. Pline, a estimé la valeur du commerce drainé par l'Inde à cinquante millions de sesterces, sous forme d'échange de marchandises. La dévaluation de Néron a, sans aucun doute favorisé ce genre d'échanges qui eprmet également de diminuer la fuite de l'or romain vers l'Inde. Les navires romains ont dû suivre l'expansion du trafic indien vers la côte est, c'est-à-dire vers le Gange et vers "Chrysée", la Chéronèse d'or de Ptolémée(27) où se situent probablement deux emporia: Tokala et Sabana.

Les échanges indo-romains du 1er siècle sont confirmés par au moins quatre ambassades indiennes à Auguste, une à Claude, à Trajan (117 après J.C.). Des ambassades viennent également auprès des empereurs Hadrien (117-138), Antonin le Pieux (138-161), envoyées par les Indiens Bactriens venues par voie terrestre, Elagabal (218-222), Aurélien (271-279) et Constantin (306-337).

Dans le Périple de la mer Erythrée(28), un marin grec raconte avoir vu les côtes de Malabar(29) et de Coromandel(30) des ports d'où des navires marchands indiens partaient pour la Perse, l'Arabie, l'Afrique et les ports de la mer Rouge avec des marchandises fort demandées telles perles, pierres précieuses, ébène, teck, bois de santal, épices, toile de coton appelée mousseline et soieries de Chine. Ces navires reliaient régulièrement Barygaza en Inde à la côte orientale de l'Afrique jusqu'au niveau de Madagascar où ils apportaient huile de sésame, riz, blé, sucre, cannelle, copal, cotonnades. Ils en ramenaient écailles de tortue, ivoire, cornes de rhinocéros c'est-à-dire des produits fortement prisés à Rome.

La crise de l'empire romain au IIIème siècle a manifestement limité ce commerce qui connaît une recrudescence au IVème pour s'éteindre au début du Vème.

Le commerce de Rome dépassa l'Inde puisque les annales chinoises rapportent que Marc-Aurèle, en 166, envoya une ambassade en Chine pour inaugurer un trafic commercial direct (concernant essentiellement la soie) alors que les Parthes en étaient les intermédiaires jusque là. Ceci sans doute afin de limiter le prix de revient et conserver un accès au luxe, témoignage de richesses de l'aristocratie romaine, elle aussi confrontée à la crise romaine.

Les échanges avec l'Asie, l'Afrique et le golfe Persique

Le commerce terrestre de l'Inde avec l'Asie occidentale remonte à un passé très lointain, empruntant les routes qui traversaient la Perse, la Mésopotamie et l'Asie mineure et qui correspondait à la route de la soie. Sans aucun doute, plusieurs siècles avant l'ère chrétienne, les Indiens ont commencé à commercer avec les ports occidentaux de l'Asie du Sud-Est avec un lieu nommé terre de l'Or ou île de l'Or, situé à l'Est de l'Inde. Le commerce avec l'Asie du Sud-Est s'est développé au IIème siècle avant J.C. en raison de la vogue croissante des objets de luxe d'origine asiatique dans l'empire romain facilité par le développement des transports maritimes entre l'Egypte, le sud de l'Inde et Ceylan(31).

Au début de l'ère chrétienne, des colonies de négociants indiens se serainet implantées dans les endroits les plus animés de l'Asie du S.E.. Les prmeières preuves de contacts entre l'Inde et l'Asie du S.E. sont des images de Bouddha découvertes en Thaïlande, au Cambodge(32), en Annam, à Sumatra, à Java et dans les Célèbes.

Les habitants de Chine ont découvert l'existence du vaste océan juste avant le début ou au premier siècle de l'ère chrétienne. Les premiers Chinois ont dû emprunter cette voie pour gagner l'Inde probablement au IIème siècle.Toutefois, il semble que les Chinois aient traversé l'océan Indien à bord de navires indiens, persans ou arabes. Des navires chinois se seraient aventurés au-delà du détroit de Malacca mais aucun témoignage n'est concluant. Par contre, même s'ils n'étaient pas assurés par des navires chinois, au début de l'ère chrétienne le commerce est actif et prospère entre la Chine et la bordure de l'océan Indien. Les Chinois n'ont pas utilisé leurs navires malgré la maîtrise des techniques nécessaires. Considérant les peuples africains et indiens comme assujettis à des rois locaux, ils ne souhaitaient entrer en conflit avec eux. Respectueux de la hiérarchie, ils ne voulaient pas concurrencer les navigateurs et donc leur roi car ils ne connaissaient guère la puissance du monde dont ils étaient issus. Les asiatiques préféraient entretenir de bonnes relations en respectant un état de chose établi. A leurs yeux, la politique importait plus que le progrès des techniques maritimes et économiques. Ils ne s'intéressèrent au commerce avec les pays de la bordure de l'océan Indien qu'à partir du moent où les échanges et la navigation arabes vers leurs côtes déclinèrent (XIIIème-XIVème). D'autre part, les classes dirigeantes trouvainet ces expéditions superflues, ruineuses et riquées. Profiter d'intermédiaires et ne pas encourir de riques, leur semblaient plus judicieux.

Une bonne partie du commerce africain à destination de Tyr et de la Syrie se faisait par l'intermédiaire de négociants indiens qui avaient des comptoirs dans les ports africains. Ce commerce depuis des temps très anciens, est évoqué par des écrivains grecs et romains. Le Périple cite plusieurs localités portuaires d'Afrique orientale commerçant avec l'Inde. Dans ces ports où le pouvoir était entre les mains d'étrangers d'origine indienne ou persane. Le commerce y était monopolisé par des Indiens et des Arabes en rapport avec les Indiens résidant ou ayant leurs bureaux sur les côtes d'Egypte, d'Arabie, de Perse ou plus souvent en Inde à Tatta dans le Sind, à Mandavie dans le Koutch, dans les ports du Kathiawar ou du golfe de Cambay, à Surat, à Calicut et dans les autres ports de la côte de Malabar.

A la période moderne, les premiers voyageurs ont trouvé les descendants de ces négociants indiens dont le commerce, les marchandises et les bateaux n'avaient pas évolué et qui subissaient la piraterie arabe.

Le mouvement commercial dans le golfe persique vers le territoire séleucide ne s'est pas développé pour obtenir plus de produits locaux. C'est la campagne d'Antiochos III en Orient (-210/-204)) qui conduisit àdes traités qui appuyaient son autorité sur les villes côtières.Ils permirent le développement des routes commerciales séleucides justifiant l'essor des enchanges entre Suse et la Séleucie. Les marchandises passant par Gerrha en Egypte et Petra furent en partie transportées aux embouchures de l'Eulaïos, du Tigre et de l'Euphrate. Les Séleucides étaient riches. Leurs marchands venaient chercher à Suse céréales, vins, objets d'art qui étaient débarqués aux abords du golfe dans l'embouchure de ces trois fleuves.

De l'embouchure de l'Indus ou des ports de l'Inde, on pouvait transporter les marchandises jusqu'à la Méditerranée en suivant la côte septentrionale de la mer Erythrée et en naviguant dans le golfe persique puis en voyageant par terre vers la Syrie, Phénicie et Palestine. Cette voie concurrençait la route qui longeait l'Arabie du Sud-Est et arrivait à Alexandrie par le golfe Arabique, tout comme celle passant par Babylone. Or, avant que la voie directe vers le sud ne soit ouverte, les Indiens du Sud amenaient, par cabotage, leurs produits vers l'Indus, axe de pénétration à l'intérieur des terres. On y trouve des produits autres que la soie qui semblent provenir de régions iranienne (turquoise), centre asiatique (peaux sériques) et de l'Afghanistan (lapis-lazuli). Une nouvelle voie terrestre s'impose donc en-dehors de la route de la soie.

Les Alexandrins firent de substantielles économies lorsqu'ils purent l'atteindre directement. Pline parle de voyages jusqu'à Patala puis vers les bouches de l'Indus dont la date remonteraient à -100. Puis on atteignait directement Zigerus (soit en -30) pour aller à Muziris. Mais aucune trace numismatique ne corrobore cette idée. Cela peut laisser supposer que le commerce du sud de l'Inde a précédé celui du nord. Les Gréco-romains cherchaient avant tout la soie et le poivre: or ce dernier est produit par l'Inde du Sud. C'est alors que la route de la soie a dû changer d'itinéraire.

A l'époque du Périple, Barigaza est le terminus de la route de la soie. En parlant de la ville Thinae en Chine, le texte dit "d'où la soie brute, filée ou tissée, est apportée par terre à Barygaza en passant par Bactres, ou bien dans la Limyrikè(33) par le Gange" et probablement du Gange par la mer. Ainsi, au IIème-IIIème siècle, la région de l'Indus est passée au second plan. Les Alexandrins concentrent leur trafic sur les ports du Sud et sur Barygaza en particulier en particulier où ils ont fait amener le terminus de la route de la soie.

Des raisons politiques sont également inhérentes à cette modification. Barygaza est le port de la capitale kouchane Minnigara. Le Périple témoigne d'importations de verre, des étoffes entre autres et "pour le Roi, de très coûteux vases d'argent" sans doute d'origine syrienne et égyptienne. Les oeuvres d'art d'Egypte pouvaient donc arriver aux villes d'Afghanistan par la route de la soie en retour. Les Kouchans battaient eux-mêmes monnaie peut-être en refondant l'or romain. D'après le Périple "les Grecs trouvaient profit à échanger leurs pièces d'or et d'argent contre le monnayage local", cela justifie l'absence d'or romain dans l'Inde du Nord. On n'importait pas de monnaie romaine à Barbarykè, port de l'Indus alors que dans le port de Barygaza, les monnaies de métaux précieux sont citées parmi "les dernières denrées importées" et qu'à Muziris et Nelkynda "une grande quantité de monnayage" constitue la première importation.

Au Sud, au contraire, les pièces romaines servent d'encaisse métallique et étaient même mutilées pour leur faire perdre leur fonction de monnaie. Une autre raison justifie le dépalcement de l'axe des échanges. Le pays intérieur du port est peuplé de nombreuses tribus soumises aux Bactriens. tandis que sur l'Indus, des princes sont constamment en guerre. L'économie a besoin de calme.

En dehors des grandes étapes de développement de la navigation Egypte-Inde depuis Alexandre jusqu'au Vème siècle, la route maritime a été doublée par une voie terrestre dont on doit tenir compte pour comprendre le trafic par mer et la concurrence par le golfe persique. La route transcontinentale permet et justifie les échanges avec la Syrie, Alexandrie ou la Chine. Certes la route de terre vers la Syrie est fermée mais ce sont les Parthes qui ont pendant un certain temps le monopole de la route de la soie et celle-ci n'est pas fermée pour les non-romains.

De tout temps, jusqu'aux plus anciens, l'océan Indien a été une zone de rencontre et contacts. Il est traversé par des axes de circulation pénétrant de plus en plus vers le sud et la haute mer. Réunissant l'Afrique, la mer Rouge, le golfe Persique, l'Inde et l'Asie, ces routes maritimes de type cabotage puis de haute mer vont dans de nombreuses directions complétant les routes terrestres ou s'y substituant en fonction de la concurrence ou/et de la demande. ce centre d'échanges au départ tripôlaire puis complémentaire concurrence le foyer méditerranéen grec, gréco-romain puis romain jusqu'alors prédominant. Il fait descendre le centre économique vers le sud donnant à l'océan indien une activité importante et continuelle créant une nouvelle interface au cours des temps.

Ce foyer d'échanges de toute nature est sensible aux influences les plus diverses et les plus lointaines. l'océan Indien, plus que bien d'autres étendues marines, constitue un carrefour culturel privilégié. Or il l'est d'autant plus que diachroniquement depuis l'Antiquité la plus éloigné, il a joué ce rôle médiateur. Il n'est pas un océan qui ait tenu ce rôle de manière aussi constante ni avec un rayonnement aussi étendu, préfigurant les grandes découvertes de la période moderne.


Notes:

  1. Bras de mer entre l'Australie et la Nouvelle Guinée.
  2. Auguste Toussaint, Histoire de l'océan Indien, PUF, Paris, 1960, p.5
  3. Auguste Toussaint, Méditerranée et océan Indien, SEVPEN, 1971, p.34
  4. Yves Janvier, La mer Rouge lien entre deux mondes dans l'Antiquité, Cahiers d'Histoire, 1976, n°3: l'auteur y souligne que la mer Rouge de l'époque correspond à l'actuelle mer d'Arabie, la mer Rouge actuelle n'étant jamais appelée que Sinus Arabicus bien plus fréquentée que la Mare Indicum qui bordait les rives de l'Inde.
  5. Les Perses et les Grecs ont probablement appris la navigation auprès des Arabes. Les Perses n'ont jamais entrepris de voyages lointains avant le Vème siècle et les grecs avant la période héllénistique. Alexandre le Grand et ses héritiers hellénistiques, les Romains ne pourront jamais s'installer définitivement en océan Indien bien qu'ils en aient les moyens maritimes au regard de leurs flottes respectives situées en Méditerranée.
  6. J. Pirenne, La Grèce et Saba, Mémoire présenté par divers savants à l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres, TXV, Paris, 1955, p.91-95
  7. Les Assyriens s'étaient effondrés et Nabuchodonosor apparut sur l'Euphrate. Néchao accourut pour lui barrer la route et rétablir la puissance de l'Egypte.
  8. Quinte-Curce, Histoires, X,1,10-12, Néarque et Onisicrite (...) apportaient, avec quelques enseignements de seconde main, des observations directes: "En contrebas de l'embouchure du fleuve, il y avait une île où l'or abondait (...). La mer était pleine de monstres qu'apportait le flux de la marée et qui égalaient, par la taille, de grands vaisseaux; effrayés par une musique épouvantable, ils n'avaient pas suivi la flotte et, dans le fracas de l'onde, ils avaient plongé sous les eaux, tels des navires qui sombrent."
  9. "Porte des Pleurs", détroit entre l'Arabie et l'Afrique qui réunit la mer Rouge à l'océan Indien
  10. Langage de l'Inde du Sud
  11. Navigateur grec au service des souverains d'Alexandrie, il entreprit le périple de l'Afrique au IIème siècle avant J.C.
  12. Agatharchide, chapitre 101 "Les autres (Sabéens qui ne sont pas oisifs) se soucient des affaires maritimes, cultivent tout le pays et vont à l'étranger sur des radeaux d'assez grande taille; ils transportent, entre autres choses, le fruit parfumé qui croît sur la côte d'en-face... Parmi les Sabéens, un bon nombre se servent aussi des embarcations de peau; c'est la marée qui leur en a enseigné le besoin, bien qu'ils passent leur vie dans la mollesse. Leur grande prospérité ne provenait pas d'un trafic maritime mais des bénéfices réalisés sur le transport caravanier des produits de l'Inde et de l'Afrique sur lequel ils percevaient des taxes à leurs ports et leurs villes et qu'ils convoyaient vers la Méditerranée".
  13. Pline l'Ancien né en 23, conseiller de Vespasien, commandant de la flotte de Misène à la tête de laquelle il périt en 79 lors de l'éruption du Vésuve en tentant de porter secours aux habitants d'Herculanum et de Pompéi.
  14. Soit environ soixante quinze tonneaux.
  15. Selon Pline, sous le règne de Claude, Annius Plocamus avait affermé le revenu de la mer Rouge, un des siens affranchis, doublant l'Arabie, fut emporté par les aquilons au-delà de la Carménie; il arriva le quinzième jour à Hippuros, port de Trapobane (Ceylan).
  16. J. Filliozat, Les relations extérieures de l'Inde, Publications de l'institut Français d'indologie, Pondichéry, 1956, p.8-9.
  17. Strabon, XIV, 4,25
  18. Pline, XII, 41-43
  19. voir supra
  20. Strabon, II, chapitre 3, paragraphe 4
  21. Le Périple, chapitre 57, "Tout ce voyage ... depuis Cana et l'Arabie heureuse, on avait coutume de le faire dans de petits vaisseaux en suivant de près les côtes des golfes. Et Hippodalos fut le pilote qui, en observant la localisation des ports et les conditions de la mer, découvrit le premier comment faire le trajet droit à travers l'Océan. Car, au même moment où, pour nous, soufflent les vents étésiens sur les côtes de l'Inde les vents soufflent de l'Océan et ce vent du S-O est appelé Hippodalos, du nom même de celui qui découvrit le premier cette traversée. Depuis ce temps jusqu'à aujourd'hui, les navires partent directement de Cana et passent par le Cap des Aromates (Guardafui), et ceux qui vont vers Damarica (Inde du Sud) tiennent la tête du navire considérablement hors du vnet, tandis que ceux qui vont à Barygaza et vers la Scythie longent la côte pas plus de trois jours et, pour le reste du temps, suivent de même une course directe de pleine mer à partir de cette région, avec un vent favorable en laissant loin la côte et naviguant ainsi hors des golfes susdits (d'Aden et Persique).
  22. Le Périple sans doute rédigé par un marchand de grain est un document controversé sur sa date pouvant conduire à des discordances avec Pline pour lequel, depuis l'époque d'Alexandre, des progrès ont été faits en trois étapes, jusqu'à son temps en exploitant mieux la mousson du Sud-Ouest nommée Hippodalos. Dans le Périple, il n'y a pas d'avant et d'après Hippodalos, celui-ci est un marin qui découvrit l'usage de la mousson Sud Ouest, d'où ce nom. Avant il n'y a que du cabotage. On a fini par admettre dans un premier temps que le Périple devait se situer vers 75 ou 90. Il est donc contemporain de Pline. Mais J. Pirenne avance la date de 225, elle est rejointe par J. Ryckmans et H. von Wissemanns. Toutefois F. Altheim propose la date de 208. Une autre étude de D.W. Macdowall fait ressortir le Périple, selon des données numismatiques, vers 120-140. Cela peut conduire à une description inadéquate car le savoir du Périple est comparable à celui de Ptolémée (IIème siècle) et le dépasse parfois.
  23. Au nord de l'Afghanistan actuel
  24. Barygaza est la capitale kouchane dont le pays intérieur est peuplé de tribus soumises aux Bactriens.
  25. Le commerce maritime entre l'Inde et l4europe via l'Egypte n'a été important qu'à partir de l'empreur Claude (-10/+54) apparamment les négociants romains connaissaient le régime des moussons
  26. voir supra
  27. Sans doute la presqu'île de Malacca
  28. J. Pirenne, Un problème-clef pour la chronologie de l'Orient: la date du Périple de la mer Erythrée, in journal Asiatique, Paris, 1961, p. 451-453
  29. Partie de la côte sud occidentale du Deccan
  30. Côte orientale de l'Inde, sur le golfe du Bengale
  31. Selon la légende, la civilisation indienne aurait été introduite vers -500
  32. Le temple d'Angkor-Vat en est un des plus prestigieux exemple
  33. région de Muziris et Nelkynda

 

 



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