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Les enjeux de la décentralisation dans les Dom

 

Ce texte est extrait du livre de Didier Benjamin et Henry Godard, Les outre-mer français: des espaces en mutation, paru chez Géophrys en 1999. (Chapitre 2, L'intégration dans la nation, § 2, p.31 à 33) L'APHG a rajouté à ce texte initial la carte, les logos, et les liens.

"La loi de départementalisation du 19 mars 1946 précéda de 6 mois la promulgation de la Constitution de la IVème République. Dans son article 73, cette dernière affirme le principe d'une assimilation du régime juridique des Dom à celui de la Métropole: "Le régime législatif des départements d'outre-mer est le même que celui des départements métropolitains, sauf exceptions déterminées par la loi." En opérant ainsi un alignement de la législation applicable dans les Dom sur le régime du droit commun métropolitain, la départementalisation conduisait à l'assimilation. dans son article 73, la Constitution de la Vème République, du 4 octobre 1958, insistait dans cette voie. A la référence à une exception ultramarine se substitue la possibilité d'une adaptation à la loi commune: "Le régime législatif et l'organisation administrative des départements d'outre-mer peuvent faire l'objet de mesures d'adaptation nécessitées par leur situation particulière." La législation nationale s'étendait désormais sans restriction aux Dom, les adaptations prévues ne servant qu'à favoriser son application. Les Dom perdaient ainsi leur individualitéjuridique qui avait été préservée sous la colonisation. Le principe de l'assimilation a souvent été rendu responsable du processus d'acculturation que subissent les sociétés domiennes. Pour certains, l'alignement sur une norme métropolitaine reviendrait à dénier aux espaces domiens toute spécificité, alors que celle-ci ressort de leur histoire, de leur géographie, de leurs pratiques culturelles et de leur niveau de développement socio-économique.

La décentralisation, qu'inaugurèrent les lois de 1982 et 1983, tenta de concilier les principes de la départementalisation avec la demande d'autonomie accrue exprimée par les élus domiens, particulièrement ceux appartenant à la mouvance communiste. Une fois acceptée la légitimité des institutions décentralisées, la gauche dans son ensemble s'est engagée dans la lutte politique pour le contrôle des assemblées locales. A la fin du XXème siècle, elle affronte une droite qui a moins d'arguments pour dénoncer les visées indépendantistes de ses adversaires et pour utiliser ce thème comme un repoussoir auprès de l'électorat domien. La décentralisation instaura une spécificité domienne -la Corse ayant été scindée en deux départments en 1975- en créant quatre régions monodépartementales. Alors que les conseils généraux des Dom ont des compétences analogues à celles des départements métropolitains, les régions d'outre-mer ont reçu davantage de pouvoirs que celles de Métropole. La région d'outre-mer a hérité des conseils généraux la gestion de l'octroi de mer dont elle fixe les taux; elle définit le montant des droits sur les rhums et spiritueux fabriqués localement et décide au sujet de la taxe spéciale sur les carburants versée au fonds d'investissement routier. Dotée de compétences en matière d'aménagement du territoire, la région élabore le Schéma d'aménagement régional (Sar) qui s'impose aux schémas directeurs et aux Plans d'occupation des sols (Pos) des communes; elle est en charge de la protection du littoral et du domaine marin; elle est obligatoirement consultée sur les rojets d'accords internationaux qui intéressent la ZEE; enfin, la région signe des contrats de plan ou de programme avec l'Etat et avec l'Union européenne. Les lois de décentralisation ont attribué aux régions d'outre-mer des compétences étendues qui impliquaient de multiplier les interventions financières et les investissements. Les budgets des régions n'ont pas pu assumer l'augmentation des dépenses qui en a résulté. En 1991-1992, les budgets régionaux de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Guyane ont été placés sous contrôle de la chambre régionale des comptes. Celle-ci a stigmatisé des pratiques de surendettement et de surinvestissement ainsi que des irrégularités dans les procédures d'attribution des marchés publics. Le Mouvement indépendantiste martiniquais et son leader, Alfred Marie-Jeanne, ont fondé partiellement leur succès électoral de 1998 sur la dénonciation des dérives financières consécutives aux lois de décentralisation.

 

Carte du Schéma d'aménagement régional, empruntée au site Région Réunion: http://www.region-reunion.com

Un grand nombre des élus domiens dénoncent à travers la formule actuelle de la région monodépartementale les chevauchements de compétence qui existent entre le conseil régional et le conseil général. Certains d'entre eux réclament l'instauration de l'assemblée unique, proposition que le Conseil constitutionnel avait rejetée en 1982. Les cinq députés de la Réunion se sont prononcés pour la création d'un second département dans le sud de l'île. Par-delà ces débats institutionnels, l'unanimité des élus ultramarins se réalise autour des demandes d'adoption de mesures dérogatoires à la législation nationale, afin de répondre aux difficultés sociales et économiques que traversent les Dom (exonérations fiscales et de charges sociales pour les PME-PMI par exemple). Ces propositions et ces préoccupations inspirent le rapport des députés Lise et Tamaya remis au premier ministre en juillet 1999."

 


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